Atelier d’écriture : Le démiurge

Pour ce nouvel atelier d’écriture hebdomadaire de son blog Bricabook, Leiloona nous a proposé une photographie de Kot.

Photo de Kot

© Kot

Voici le texte que m’a inspiré cette photo.

Le démiurge

Le voilà de retour. Il est revenu nous dominer, nous manipuler. Chaque fois qu’il se montre, nous devenons ses Choses. Plus aucune volonté autre que la sienne ne peut nous guider. Il décide, ordonne, expérimente, ne nous laissant pas d’autre choix que de lui obéir.

Il nous aligne comme des petits soldats. Il fait de nous sa chair à canons et nous envoie nous battre les uns contre les autres, attendant de voir surgir l’étincelle qui illuminera le ciel de sa Toute Puissance. Il prétend souffrir mais se rend-il compte des dégâts qu’il cause autour de lui, lorsque sa folie créatrice le sort de son silence ? Sans lui, nous sommes rangés, tranquilles, innocents même. Nous ne bougeons pas, faisons le moins de bruit possible et personne ne semble s’intéresser à nous. Mais une fois arrivé, il sème le chaos, nous déplace, nous associe et nous sépare. Parfois, il nous fait prendre une pause puis nous laisse en plan et ne revient pas avant longtemps, ignorant nos complaintes et les souffrances qu’il nous impose.

Nous ne savons jamais lorsqu’il reviendra. Nous ne savons pas non plus dans quel état d’esprit il sera. Aura-t-il décidé de se grimer, de se draper d’un déguisement qui le ferait prendre pour un autre, ou voudra-t-il se parer d’un costume trop grand pour lui ? Car selon son humeur ou sa volonté, les mouvements et attaques qu’il nous ordonnera n’auront pas le même impact, la même résonnance.

Les rares fois où il reste là, immobile comme s’il ne savait plus quoi faire de nous, ne sont pas forcément des moments de répit. Cela cache le plus souvent un conflit intérieur qui, lorsqu’il l’aura résolu, déclenchera une tempête contre laquelle aucun d’entre nous ne pourra résister. C’est dans ces moments là que nous l’adorons, quand il ne nous met plus en opposition les uns contre les autres, mais lorsqu’il fait de nous ses alliés pour partir combattre les préjugés, pour bâtir des havres de douceur ou simplement construire des mondes rêvés. Alors, plus rien ne l’arrête et nous nous mettons entièrement à son service, motivés par l’idée que bien plus que des mots, nous sommes les combattants pacifiques de ses idées.

10 réflexions sur “Atelier d’écriture : Le démiurge”

  1. Je commente un peu tard, mais ce délai traduit la réflexion que m’a inspiré le texte et le questionnement qui s’en suit. J’y ai vu la description du sentiment amoureux, avec tout ce qu’il nous apporte de grand, de fort et de beau lorsqu’il est présent ; notre faiblesse et dénuement lorsqu’il s”éloigne de nous. Bravo.

    1. Merci Bonlecteur pour ton commentaire et le compliment 🙂 Je n’y avais pas pensé, mais ça aurait pu effectivement s’apparenter au sentiment amoureux, qui lui aussi peut faire des ravages ou alors faire se soulever des montagnes. Parfois il est vécu comme un combat alors oui, ce démiurge pourrait être ça…

  2. De quel Dieu cruel s’agit-il ? L’argent, le progrès, la religion ? Le mystère restera entier. Et nous pauvres humains, telles des marionnettes ou des pantins, quand couperons nous les fils qui nous retiennent ? Un texte qui amène le questionnement.

      1. Ma x-ieme relecture ne m’éclaire pas. Argent, progrès de la science et religion peuvent entraîner horreur ou bonheur

        1. Eh bien, je ne pensais pas avoir semé autant de mystère, mais c’est flatteur, merci 🙂 Le démiurge de ce texte est… l’auteur, qui fait batailler les mots (“bien plus que des mots, nous sommes les combattants pacifiques”) entre eux avant de pouvoir aligner son armée – son texte – pour combattre avec ses idées et le sens des mots 😉

  3. Une semaine où j’aurai pris le dico à la lecture de chaque texte ! J’aime découvrir de nouveaux mots ! 😉 Ton texte est beau, pensé et amène à poursuivre plein de réflexions ! J’adore ! et MERCI !

    1. Merci à toi pour ton beau commentaire Nady, et les compliments 🙂 J’ai moi aussi énormément apprécié ton texte ; comme tu l’avais annoncé dans ton commentaire de la semaine dernière, il y a énormément de coup de gueule, de contestation, mais aussi de détachement par rapport aux “affreux” et d’espoir vers “notre belle Humanité”, comme tu l’as si bien écrit 🙂
      Pour revenir à mon texte de cette semaine, il fait écho à deux autres petits textes que j’ai griffonné il y a quelques temps et qu’il faudra que je pense à publier. Autre détail de sa genèse : comme le personnage assis prend bcp de place sur cette photo, surtout avec son grand chapeau, je n’avais, au départ, pas apporté bcp de considération aux petits soldats qui étaient éparpillés au sol. C’est en y faisant plus attention que j’ai eu envie de changer de point de vue, tout en conservant la place principale à ce personnage énigmatique.

      1. Merci pour ton commentaire et de dévoiler quelques petits “secrets” d’écriture à travers la genèse de ce texte. En papotant avec d’autres acolytes de notre atelier, on avait parlé un jour de nos “manières” d’écrire et chaque process est passionnant et dévoile tant de chose sur l’être qui écrit ;-). Pour ma part, j’aime griffonner des débuts de textes, idées sur du papier (je ne peux plus sortir sans un bloc note car combien de fois m’ a t on vu à la recherche désespérée d’un bout de papier dans la rue pour y noter une idée qui passait, parfois à en devenir folle tant que le papier n’était pas trouvé et l’esprit indisponible à tout autre chose que de mettre sur papier ce qui le traversait…). Puis arrive le moment de l’écriture sur écran avec modifs, relectures, parfois abandon pour poursuivre sur une autre idée… et le plaisir ultime est ce merveilleux moment où je déchire mes papiers en mille morceaux… un plaisir inouï, égalable par la suite aux échanges argumentés que nous faisons à partir du lundi sous chacun de nos textes (double effet kiss kool 😉 ) Ralala, si elle savait Leilonna le bonheur qu’elle apporte en nous avec son atelier ! belle fin de semaine à toi

        1. Mais c’est toujours un plaisir de partager ses expériences et ses pratiques avec d’autres auteurs. Depuis plusieurs mois, j’ai comme toi un carnet en permanence dans mon sac, mais il n’a pas encore servi. Et si mon roman en cours d’écriture se compose directement sur clavier, il s’agit plus d’un défi personnel, car je préfère de loin le papier comme premier réceptacle de mes idées et histoires.
          Et c’est vrai que ce rendez-vous du lundi est un vrai bonheur, à deux titres : d’abord, découvrir les univers des uns et des autres, et se lancer chaque semaine un nouveau défi d’imagination 🙂 Belle fin de semaine également 🙂

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