Le décor dans un roman a parfois autant d’importance, voire plus, que le choix des noms des personnages et de leurs caractères. Pour certaines histoires, le décor sera moins impactant. Certains romans pourraient se dérouler n’importe où, c’est plus l’envie de l’auteur qui emmènera les personnages à tel endroit. Dans d’autres livres, ce choix sera crucial. Le décor viendra souligner une intrigue, créera une atmosphère, voire sera un obstacle aux actions du héros. Le choix du décor n’est jamais neutre. Je vous confie ici quels ont été mes choix pour mes deux premiers romans. Et surtout, comment j’ai choisi le décor de Julia et Mrs Carpenter, mon nouveau roman.
Dans mes deux premiers romans, des décors définis aussi rapidement que mes personnages principaux
“De quoi il parle, ce livre ?” “Oh, c’est un roman d’héroïc fantasy où des hommes, un nain, un magicien, un elfe et des Hobbits parcourent la Terre du Milieu pour lutter contre un très grand méchant appelé Sauron. Ils traverseront des plaines, passeront au-dessus et au-dessous de montagnes, traverseront une mine, séjourneront dans la forêt des elfes et le héros vivra de grandes épreuves au milieu d’une terre aride, d’un tunnel habité par une araignée géante, et terminera sa quête au cœur d’une montagne de feu.”
Vous avez certainement reconnu ici un résumé du Seigneur des Anneau, de J.R.R. Tolkien. Ce résumé est succinct et pourtant, le décor y tient une très grande place. Bien souvent, lorsqu’on fait le pitch d’un roman à une personne de son entourage, on va lui parler des personnages, des grands évènements qu’ils vont vivre, et de l’endroit où se déroule l’histoire. On ne peut pas passer à côté en tant que lecteur. En tant qu’autrice ou auteur, son choix peut s’avérer primordial.
En ce qui concerne ma façon de construire mes romans, le choix du décor intervient souvent assez tôt.
Pour mon premier roman, Le Mystère des Ghénas, tout s’est fait rapidement, dès l’écriture des premières idées. Un village dans une forêt : voici quelle était ma description première du lieu où se déroulerait cette histoire. Bien sûr, d’autres éléments sont ensuite venus détailler et embellir ce décor. Mais je n’avais aucune exigence de réalisme ou de précision.
Le Mystère des Ghénas est un roman adolescent sous forme de conte fantastique, les messages qu’il véhicule sont universels : le décor devait conserver cette universalité. La forêt n’a pas de nom, seulement une partie septentrionale et une partie méridionale ; le village est connu comme celui des Ghénas et lorsque Oraé, le héros masculin, raconte à Azur d’où il vient, il parle d’un village, de son château, puis des différents lieux qu’il a traversé, mais sans en nommer aucun. Ce décor neutre mais bien vivant répondait au besoin du roman.
Pour choisir le décor de 6H66, mes besoins étaient tout autre. Mais tout s’est décidé aussi rapidement que pour mon premier roman. Mon héros devait habiter en milieu urbain. Et comme cet environnement urbain allait subir des transformation par rapport à la réalité, il me fallait choisir une ville que je connais bien. Mon choix s’est donc vite porté sur Lille. Il m’était ensuite très facile de commencer les descriptions des lieux traversés par mes personnages, et surtout de modifier leur nom ou leur aspect 😉
Le point commun à ces deux premiers choix de décor réside dans les besoins de l’histoire. C’est l’histoire, la façon dont elle se déroule, ainsi que les messages passés à travers ces deux romans, qui ont guidé la caractérisation du décor. Et j’ai mis peu de temps à me décider sur la description de ces éléments de situation du récit.
Il en a été tout autrement pour choisir le décor de Julia et Mrs Carpenter, mon nouveau roman.
Un choix plus long pour le décor de Julia et Mrs Carpenter

Il y a quelques semaines, je vous confiai comment naissait l’idée de Julia et Mrs Carpenter. Je vous disais qu’il me fallait placer Mrs Carpenter dans un cadre différent de celui de son Angleterre natale. Le décor devait permettre de pouvoir la faire appeler “la vieille Anglaise”. Je lui ai donc fait traverser la Manche pour la faire venir en France.
Pour la première fois, c’est donc un personnage qui a influencé le choix du décor du roman. J’ignorais encore à ce moment que cette influence des personnages sur le décor prendrait encore plus d’ampleur. J’ignorais encore plus à quel point le décor répondrait aux personnages.
Je voulais faire vivre Mrs Carpenter, puis Julia et toutes les personnes qui les entourent à la campagne. Au départ, je n’avais aucune exigence sur le coin de campagne où faire poser leurs valises à mes personnages. Ils allaient évoluer dans une ferme. J’ai grandi à la campagne, j’ai eu l’occasion petite d’aller chercher le lait, le beurre ou les œufs à la ferme du village. Je pouvais me baser sur des souvenirs ou des paysages vus dans les Hauts-de-France, ma région natale. Mais quel coin de campagne choisir ? Il fallait que ce décor soit réel, mais fallait-il le nommer ? Pour une fois, j’ai tâtonné avant de définitivement arrêter mon choix.
Mes premières pensées se tournèrent vers l’Aisne, département dont j’ai plus souvent traversé les grandes nationales que les petites routes de campagne. Mais je n’aurais pas su décrire correctement les lieux où évolueraient mes personnages. Il me fallait une autre piste. Cependant, pendant ce temps, mon histoire commençait à s’écrire, les personnages prenaient leurs marques au milieu d’un paysage flou. J’avais peut-être alors écrit environ 20% du roman et je ne savais toujours pas avec précision où les faire vivre.
J’ai écrit Julia et Mrs Carpenter dans le désordre. Avec ces 20 premiers %, le passage qui raconte l’arrivée en France de Mrs Carpenter existait sur le papier. Cet évènement se produit grâce au personnage de sa Tante Beth, à qui il fallait également trouver une cause à son arrivée et installation en France. Le respect des époques et du contexte historique ont introduit la mort d’un aïeul mort en France pendant la Première Guerre Mondiale.
Entre temps, j’ai moi-même déménagé pour venir habiter au cœur du Pays du Coquelicot, partie du département de la Somme situé autour d’Albert, où coule le fleuve Somme et la rivière Ancre. Un lieu où le tourisme de mémoire lié aux deux Guerres Mondiales est très important.
Je vis dans la Somme depuis déjà de très nombreuses années. Je connais l’importance de ces lieux de mémoire, j’en ai même visité beaucoup. Mais c’est une fois sur place que j’ai senti à quel point cette histoire passée reste présente au quotidien. Et puisque deux de mes personnages ont un aïeul décédé pendant la Première Guerre Mondiale, pourquoi ne pas faire de cet ancêtre un soldat mort pendant la Bataille de la Somme et faire vivre Tante Beth, Mrs Carpenter et Julia au cœur du Pays du Coquelicot ?
Je détenais enfin le décor de Julia et Mrs Carpenter ! Et là où mes personnages avaient conduit à la définition de ce décor, ce choix me permit ensuite de renforcer certains traits de caractères de mes deux héroïnes. Julia déteste évoquer son passé et ses disparus tandis que Mrs Carpenter cultive la mémoire des siens avec dévouement. Le Pays du Coquelicot devenait ainsi acteur de la vie de mes personnages. Et c’est finalement lui qui a guidé le choix de la couverture 😉
Je sais maintenant que sans ce choix, l’atmosphère de Julia et Mrs Carpenter n’aurait pas été aussi apaisée, et que je n’aurais sans doute pas réussi à apporter à cette histoire autant de douceur que je souhaitais lui donner 🙂
D’ailleurs, si vous souhaitez découvrir le début de Julia et Mrs Carpenter, vous pouvez vous inscrire à ma newsletter mensuelle 🙂 En bonus, vous recevrez les deux premiers chapitres de mon nouveau roman.
Et vous amis lecteurs, à quel point êtes-vous sensible au décor dans les romans que vous lisez ? N’hésitez pas à en parler dans les commentaires 🙂


